Mentionner le nom du photographe n’est pas un cadeau, c’est une obligation légale
Droit et photographie
« Merci pour le crédit ! » : quand la politesse cache une méconnaissance du droit
J’ai encore eu la question la semaine dernière lors d’un reportage photo évènementiel : “Tu veux que l’on te crédite sur les réseaux sociaux ?”. Combien de fois avez-vous entendu cette phrase : « Je t’ai mis en crédit, tu devrais me remercier » ? Ou encore : « Je te fais de la visibilité gratuite en publiant ta photo ». Cette vision du crédit photo comme une faveur est pourtant totalement erronée. Créditer un photographe n’est pas un geste de bonne volonté, c’est une obligation légale.
Si cette confusion persiste, c’est qu’une grande partie du public ignore ce que dit vraiment la loi sur le droit d’auteur. Il est temps de remettre les choses au clair.
Ce que dit la loi : le droit à la paternité
Une protection automatique dès la création
Selon le Code de la propriété intellectuelle français, toute photographie est considérée comme une œuvre protégée dès l’instant de sa création. Pas besoin de dépôt, d’enregistrement ou de formalité administrative : le photographe détient automatiquement les droits sur son travail.
L’article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle est sans ambiguïté : l’auteur a droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit à la paternité signifie que le photographe peut exiger que son nom (ou son pseudonyme) soit associé à chaque publication de son image.
Ce que la loi impose concrètement
La législation est claire sur les obligations de l’utilisateur d’une photographie :
Vous devez mentionner le nom de l’auteur :
- Directement sur les exemplaires de l’œuvre (brochure, livre, affiche…)
- À proximité immédiate du contenu visuel (photo, vidéo, infographie…)
- De manière indissociable de l’image, particulièrement dans le domaine numérique
Cette mention doit permettre d’identifier sans ambiguïté l’auteur de chaque œuvre. Un simple « ours » ou une rubrique « crédits » en fin de publication n’est acceptable que si on peut attribuer clairement chaque image à son créateur.
Les sanctions en cas de non-respect
Omettre ou supprimer volontairement un crédit photo constitue une violation du droit d’auteur. Les sanctions peuvent inclure :
- Des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier
- La suppression de la publication litigieuse
- Des amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 euros et 3 ans d’emprisonnement dans les cas graves
Pourquoi cette confusion persiste-t-elle ?
L’illusion du « tout gratuit » sur Internet
Avec la facilité d’accès aux images en ligne, beaucoup pensent que tout ce qui est disponible sur Google, Pinterest ou les réseaux sociaux est libre d’utilisation. C’est faux.
Une image trouvée sur Internet reste protégée par le droit d’auteur, même si :
- Elle n’affiche pas de watermark
- Vous ne trouvez pas le nom de l’auteur
- Elle circule largement sur les réseaux
- Elle apparaît dans les premiers résultats Google
La banalisation du partage
Les réseaux sociaux ont créé une culture du partage instantané où l’on oublie qu’il y a un créateur derrière chaque contenu. Partager, reposter, « retweeter » une image sans crédit est devenu un réflexe, alors que c’est juridiquement répréhensible.
La confusion entre visibilité et rémunération
L’argument « je te fais de la pub » ne tient pas juridiquement. La visibilité ne remplace ni le respect du droit d’auteur, ni une rémunération équitable. Un photographe a le droit de choisir où et comment ses images sont diffusées, indépendamment de la « visibilité » que cela pourrait lui apporter.
Au-delà de la loi : une question de respect
Le travail invisible derrière chaque image
Une photographie n’apparaît pas par magie. Derrière chaque cliché, il y a :
- Des années de formation et d’apprentissage
- Un investissement matériel conséquent (boîtiers, objectifs, éclairages…)
- Du temps de repérage, de prise de vue, de post-production
- Une sensibilité artistique et une vision unique
Créditer un photographe, c’est reconnaître ce travail. C’est aussi simple que de citer l’auteur d’un article ou le compositeur d’une musique.
L’impact professionnel du crédit photo
Pour un photographe professionnel, chaque image publiée est une vitrine de son savoir-faire. Le crédit photo permet :
- D’être contacté par de potentiels clients
- De construire sa notoriété et sa réputation
- De suivre la diffusion de ses œuvres
- De valoriser son portfolio
Publier une image sans crédit, c’est priver le photographe de ces opportunités professionnelles légitimes.
Les erreurs les plus fréquentes à éviter
1. « J’ai trouvé l’image sur Google Images »
Google Images est un moteur de recherche, pas une banque d’images libres. 100% des images que vous y trouvez appartiennent à quelqu’un. Les utiliser sans autorisation ni crédit expose à des poursuites.
2. « C’est pour un usage non commercial, ça va »
Le caractère commercial ou non de votre utilisation ne change rien à l’obligation de créditer l’auteur. Même pour une utilisation personnelle, associative ou éducative, le droit à la paternité s’applique.
3. « Il n’y avait pas de copyright visible »
L’absence de mention © ou de watermark ne signifie pas qu’une image est libre de droits. La protection est automatique, qu’elle soit indiquée ou non.
4. « J’ai acheté l’image sur une banque d’images »
Même lorsque vous achetez une licence d’utilisation sur Shutterstock, Getty Images ou Adobe Stock, lisez les conditions d’utilisation. Certaines licences exigent toujours la mention du crédit photo.
Les plateformes de photos gratuites comme Unsplash ou Pexels recommandent également fortement de créditer les photographes, même si ce n’est pas toujours obligatoire selon leurs licences.
5. « Je mettrai le crédit dans une page dédiée »
Sauf exception, le crédit doit être immédiatement visible et associé à l’image. Une page « Crédits » perdue au fond du site ne suffit généralement pas, surtout si l’image circule seule (partage sur réseaux sociaux, capture d’écran…).
Comment bien créditer une photo : guide pratique
Sur un site web
Format recommandé :
- « Photo : Prénom Nom » ou « © Prénom Nom »
- Ajoutez un lien vers le site ou le portfolio du photographe si possible
- Placez le crédit juste sous l’image ou en overlay discret
Exemple : Photo : Marc CHAZELLE – www.marc-chazelle.fr
Sur les réseaux sociaux
Instagram, Facebook, LinkedIn :
- Taguez le photographe dans la publication (@nomducompte)
- Mentionnez également le crédit en légende
- Pour Instagram : ajoutez le tag directement sur l’image
Exemple de légende : « Magnifique séance photo 📷 Photo : @marc.chazelle.photographe »
Dans une publication imprimée
- Inscrivez le nom du photographe directement sous l’image
- Si plusieurs images : créez une section « Crédits photographiques » en début ou fin de document avec le numéro de page correspondant à chaque photo
Exemple : Photo : Marc CHAZELLE (p. 12, 15, 23)
Dans un communiqué de presse
- Mentionnez le crédit sous chaque visuel utilisé
- Répétez cette information dans une section « Crédits » à la fin du document
- Facilitez le travail des journalistes en rendant cette information claire
Exemple : Crédit photo : Marc CHAZELLLE – Libre de droits pour publication dans le cadre de ce communiqué
Pour une vidéo ou présentation
- Intégrez un panneau final listant tous les crédits
- Mentionnez : nom de l’auteur, source (site web, ouvrage…) et licence si applicable (ex: CC BY-SA)
- Pour les vidéos diffusées en ligne, répétez ces crédits dans la description
Et si je ne connais pas l’auteur ?
La règle d’or : ne pas utiliser l’image
Si vous ne parvenez pas à identifier le photographe d’une image qui vous plaît, la solution la plus sûre est de ne pas l’utiliser. L’ignorance du nom de l’auteur ne vous dispense pas de vos obligations légales.
Alternatives légales
Solutions recommandées :
- Utilisez des banques d’images avec licences claires (Unsplash, Pexels, Pixabay…)
- Commissionnez un photographe pour créer du contenu original
- Utilisez vos propres photographies
- Demandez l’autorisation directement au photographe si vous le trouvez
Outils de recherche inversée
Si vous souhaitez vraiment retrouver l’auteur d’une image :
- Google Images (recherche inversée)
- TinEye
- Examen des métadonnées EXIF (souvent supprimées malheureusement)
Conclusion : un changement de mentalité nécessaire
Mentionner le nom d’un photographe n’est ni une faveur, ni une option, c’est un droit fondamental inscrit dans la loi. Cette obligation découle d’un principe simple : le respect du travail créatif et intellectuel.
Dans un monde où l’image est omniprésente et où le partage est devenu réflexe, il est urgent de rappeler que derrière chaque photographie se trouve un auteur qui mérite reconnaissance et protection.
Que vous soyez professionnel de la communication, entrepreneur, community manager ou simple utilisateur des réseaux sociaux, vous avez un rôle à jouer dans le respect du droit d’auteur. C’est une question de légalité, certes, mais aussi d’éthique et de valorisation des métiers de l’image.
Alors la prochaine fois que vous publiez une photo, posez-vous les bonnes questions :
- Ai-je le droit d’utiliser cette image ?
- Ai-je correctement crédité l’auteur ?
- Mon utilisation respecte-t-elle l’œuvre originale ?
Ces réflexes simples vous éviteront bien des problèmes juridiques, tout en contribuant à un écosystème créatif plus juste et respectueux.
Pour aller plus loin
- Code de la propriété intellectuelle : Legifrance.gouv.fr
- Article L121-1 sur le droit à la paternité
- Société des Auteurs des arts visuels et de l’Image Fixe (SAIF)
- Agence pour la Protection des Programmes (APP)
- Et surtout le blog de la photographe et avocate Joelle Verbrugge
Auteur : Marc CHAZELLE
Artisan photographe Professionnel, installé sur la côte normande, je parcours depuis 15 ans la Normandie et la France pour immortaliser vos réalisations et vos collaborateurs.
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